Les péchés originels du conflit Israélo-Palestinien : Le Mandat Britannique et la Déclaration Balfour

28 janvier 2024 Farid DAOUDI

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Par Arezki Ighemat, Ph.D in economics
Master of Francophone Literature (Purdue University)

“The reason why the state of Israel exists today and why today 1 500 000 Palestinian Arabs are refugees is   that, for 30 years, Jewish immigration was imposed on the Palestinian Arabs by the British military power   until the immigrants were sufficiently numerous and sufficiently well-armed to be able to fend for themselves   with tanks and planes of their own. The tragedy in Palestine is not just a local one ; it is a tragedy for the world, because it is an injustice that is a menace to the world’s peace” (Arnold J. Toynbee, British historian, cited in Robert John and Sami Hadawi, The Palestine Diary, Vol. I (1914-1945), New World Press, 1970, p. xiv.

“Any understanding of the Palestinian issue, therefore, requires some examination of the [Balfour] Declaration
Which can be considered the root of the problem of Palestine” (The Question of Palestine : Origins and Evolution
Of the the Palestine Problem, Part I (1917-1947), Unitednations.org).

INTRODUCTION

Il est impossible d’appréhender le conflit Israélo-Palestinien et de se faire une opinion objective sur les causes réelles et les solutions possibles à ce conflit sans remonter à ses origines historiques. En effet, l’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas contre Israel—qui a fait, selon certaines sources, 1 139 victimes et quelques 3 400 blessés—et la riposte musclée d’Israel contre Gaza—qui a fait, selon Anadolu Ajncy (Agence Turque d’Information), 22 835 morts et 58 416 blessés à la date du 8 janvier 2024, sans compter les destructions d’immeubles et d’infrastructures publiques—n’est qu’un épisode parmi tant d’autres dans l’histoire du conflit. L’attaque du Hamas et la riposte israélienne ne sont, malheureusement pas les premières ni les dernières. Plusieurs tentatives de résoudre le conflit avaient été essayées mais aucune n’a été capable de trouver une solution juste satisfaisant à la fois les Palestiniens et les Israéliens. La solution à deux Etats—un Etat Palestinien à côté d’un Etat Israélien—ne semble pas avoir eu l’assentiment des deux parties, en dépit de ce que pensent les grandes puissances. La solution à un Etat—un Etat Palestinien où vivrait la minorité juive ou encore un Etat Israélien qui cohabiterait avec la majorité palestinienne—non plus ne paraît pas donner suffisamment d’assurance à chaque partie. Les solutions alternatives—comme celle d’un Etat fédéral « Palestino-Israélien » sous régime international—sont également refusées par les deux parties. L’objectif de cet article n’est pas de retracer les guerres réciproques récurrentes entre les deux communautés ni de rappeler toutes les tentatives de résolution du conflit Israélo-Palestinien depuis le début de la crise. Nous envisageons d’entreprendre ce travail dans un ou plusieurs autres articles. L’objectif du présent article est de remonter aux origines—aux péchés originels—de cette tragédie qui n’aura que trop duré et qui finira—si on n’y met pas fin d’une manière ou d’une autre—par enflammer toute la région et probablement le monde dans son ensemble. Remonter aux origines les plus anciennes (antiques) du conflit Palestino-Israélien demanderait aussi plus d’un article de journal. Cependant, pour pouvoir comprendre le fond du problème, il est nécessaire et suffisant de retracer les principaux facteurs qui ont contribué à l’émergence ou au développement de la crise. C’est pourquoi nous pensons que les étapes suivantes de l’histoire du conflit sont indispensables pour comprendre la situation actuelle et éventuellement penser à des solutions possibles du conflit. Nous verrons donc successivement : (a) la Palestine à l’époque Ottomane, (b) le Mandat Britannique sur la Palestine, (c) la Déclaration Balfour de 1917, (d) le Plan de Partition de la Palestine de 1947, (e) Le Mouvement Sioniste et sa stratégie, et (f) la situation du conflit en 1945/46.

LA PALESTINE A L’EPOQUE OTTOMANE

En 1516, l’Empire Ottoman, après avoir vaincu les Mamluks, a conquis Bilad al Sham qui comprenait alors quatre régions—Syrie, Liban, Jordanie et Palestine—ainsi que certaines régions de Turquie. Ce fut le début de 401 années de règne Ottoman en Palestine. La Palestine était alors composée de trois Etats : Jérusalem, Gaza, Nablus, tous trois reliés à la province de Damas. Selon certaines sources, en 1600 la population de la Palestine comprenait 232 000 habitants de plusieurs confessions dont les principales sont indiquées dans le tableau#1 :

Le nom « Palestine » lui fut donné au 12è siècle AC par les Egyptiens antiques. Les Assyriens l’appelaient « Phalastu/Palastu/Pilistu » au 7è/8è siècles AC. Le nom « Palestine » apparut pour la première fois au 5è siècle AC lorsque l’historien de la Grèce Antique Hérodote parlait de « Palaistine », territoire situé entre l’Egypte et la Phénicie, comme un pays aux plusieurs confessions. Selon plusieurs sources, pendant la période Ottoman, les trois principales communautés religieuses composant la Palestine—Musulmans, Chrétiens et Juifs—vivaient en harmonie et en paix grâce au système dit du « Millet » dans lequel les autorités Ottomanes accordaient une certaine autonomie aux trois communautés pour gérer leurs affaires religieuses et civiles selon leurs propres us et coutumes tout en se conformant aux lois et règlements de l’Empire. Dans son roman « A Rift in Time : Travels with my Ottoman Uncle, publié chez Profile Books, 2010, Raja Shehadeh, un avocat Palestinien de Ramallah, écrivain et co-fondateur de l’Organisation Palestinienne des Droits de l’Homme, Al Haq, raconte que « La Palestine Ottomane accordait une grande importance à l’histoire et à l’identité Palestiniennes. C’était l’époque où les trois religions monothéistes coexistaient sans conflit » (voir Ayse Betul Aytekin, How Peace flourished in Ottoman Palestine : A Story of Coexistence, TRT World.com, October 2023). Parlant du système du « Millet », Kim Kemal Oke, professeur d’histoire et de relations internationales à Istambul Ticaret University, disait : « c’était le talisman [le porte bohneur] de l’harmonie sociale » (Ayse Betul Aytekin, op. cit). En effet, ce système valorisait chacune des communautés, leur accordait la possiblité de désigner leurs leaders religieux et de gérer leurs propres affaires, de pratiquer leurs propres langues, d’établir leurs propres tribunaux et de pratiquer leurs propres croyances. Ce système harmonieux et autonome est symbolisé par une inscription placée au-dessus du portail de Jaffa, dans la vieille ville de Jérusalem indiquant, en Arabe : « Il n’y a de Dieu qu’Allah et Ibrahim est son ami le plus proche ». Le portail lui-même, qui est l’un des sept portails de Jérusalem, porte le nom de « Bab el Khalil » (Porte de l’Ami). Dans un article non signé publié le 29 avril 1914, dans le Journal « Falastin », un des plus influents journaux, fondé en 1911 à Jaffa, il était écrit : « Jusqu’à il y a 10 ans de cela, les Juifs constituaient un élément natif et fraternel de l’époque Ottomane. Ils vivaient et se mélangeaient librement et en harmonie avec les autres éléments et s’engageaient dans des relations de travail, habitaient dans les mêmes zônes et envoyaient leurs enfants dans la même école » (Lorenzo Kamel, Framing the Palestine Partition Plan, The Cairo Review of Global Affairs, Winter 2022). L’universitaire et auteur Yaacov Yehoshua, un Rabbin Juif Polonais/Allemand, dans ses mémoires intitulés « Childhood in Old Jerusalem », publié en 1965, écrivait qu’à Jérusalem, « Il y avait des complexes de logements communs aux Juifs et aux Musulmans. Nous étions comme une seule famille […] Nos enfants jouaient avec les enfants des Musulmans dans la cour et si les enfants du quartier voisin nous faisaient du mal, les Musulmans qui vivaient dans notre complexe nous protégeaient. Ils étaient nos alliés » (Lorenzo Kamel, op. cit). Comparant la vie en Palestine à l’époque Ottomane avec la vie à l’ère du Mandat Britannique, Raja Shehadeh dira : « L’époque Ottomane n’est plus possible aujourd’hui, principalement en raison de la politisation de la religion, ce qui n’était pas le cas alors » (Raja Shehadeh, A Rift of Time, op. cit). La Commission Royale pour la Palestine de 1936 (appelée Commission Peel), présidée par Lord Peel pour faire une enquête sur les raisons des révoltes ayant lieu pendant la période du Mandat Britannique, était d’accord pour dire que la période avant le Mandat était une période de coexistence pacifique entre les deux communautés : « Un partisan de la cause Arabe nous a dit que les Arabes à travers leur histoire n’ont jamais eu un sentiment antisémite, mais ont montré que l’esprit de compromis est profondément ancré dans leur vie. Il n’y a pas, selon ce partisan, de personne mentalement décente qui ne voudrait pas faire tout ce qui était humainement possible pour soulager des personnes en détresse… » (British Government, Palestine Royal Commission, Report cmd 5479 (1937), p. 395). Cette coexistence entre les communautés de différentes confessions ne signifie pas, cependant, que la paix régnait en Palestine et dans la région en général. Pour ne citer que quelques-uns des conflits vécus par la Palestine à l’époque, une des révoltes était celle dite « Naquib al Ashraf » au 18è siècle ayant pour cause la répression et les taxes pratiquées par l’Empire. Une autre révolte était celle de Zahir al Umar al-Zaydani, vers la fin du 18è siècle, qui a permis d’établir une autonomie relative en Galilée. Deux autres révoltes contre le système de taxation avaient eu lieu en 1825 et 1831, cette dernière ayant été conduite par Ibrahim Pasha, fils du sultan Egyptien Mohammed Ali Pasha. A ces révoltes internes, il faut ajouter celles venant de l’extérieur comme l’invasion en 1799 des régions côtières de Gaza, Jaffa, Haifa et Acre par Napoléon Bonaparte. Les années qui suivirent étaient aussi des années de turbulence provoquées par les rébellions égyptiennes et les factions palestiniennes locales contre les autorités Ottomanes avant qu’une alliance des empires Ottoman, britannique, russe et autrichien ait pu mettre l’armée égyptienne hors de nuire. En 1878, la Palestine avait été divisée en trois districts : le district de Jérusalem (gouverné directement par Istambul), le district de Nablus, et le district d’Acre (rattaché à la province de Beirut). A l’époque (1878), la population de la Palestine—qui avait doublé en 178 ans—se répartissait ainsi qu’indiqué dans le tableau#2 :

Au même moment (en 1878), la première colonie sioniste avait été établie en Palestine et les premiers flux d’immigrants Juifs avaient commencé en 1882. Les millionnaires Juifs européens Baron Edmond de Rothschild et Baron Maurice de Hirsch avaient financé les premières colonies juives en Palestine. Suite à ces flux d’immigrants et à ces colonies, un sentiment nationaliste naissait dans la population palestinienne avec pour résultat les premières révoltes contre le système de colonies sionistes. Cependant, la première guerre mondiale de 1914 et l’occupation de la Palestine par les forces britanniques en 1917 avaient contrecarré ces premières « Intifadas ». Le Mandat Britannique et la Déclaration Balfour de 1917 avaient mis fin aux velléités d’indépendance de la Palestine d’un côté et encouragé la colonisation du territoire palestinien par les Sionistes, d’un autre côté, notamment grâce aux flux d’immigrants Juifs venant d’Europe. Voyons maintenant, successivement, les trois causes principales de l’imbroglio israélo-Palestinien.

LE MANDAT BRITANNIQUE EN PALESTINE

Le Mandat Britannique en Palestine a été inspiré par un Mémorandum adopté en Juin 1922 par Winston Churchill, alors Secrétaire Colonial. Le Mémorandum, appelé aussi « White Paper on Palestine », avait été rédigé par Sir Herbert Samuel, alors Haut-Commissaire pour la Palestine, et avait pour but de mettre fin aux émeutes des Palestiniens qui réclamaient leur droit à la souveraineté sur leur territoire et l’arrêt de l’immigration juive vers la Palestine. Le Mémorandum réaffirmait deux principes de base selon lesquels la présence des Juifs en Palestine était : (1) « a right and not a sufferance » (un droit et non une souffrance) et (2) « a historic connection » (une relation historique). Ce dernier principe, selon la Commission Peel, signifiait que la communauté juive avait un lien historique avec la Palestine. Le Mandat, qui est basé sur l’article 22 de la Convention de la Ligue des Nations (Société des Nations) et de la résolution de San Remo (Italie) du 25 avril 1920 du Conseil Suprême des Principales Puissances Alliées, n’a pris effet que le 29 Septembre 2023. La mission principale du Mandat était de porter assistance à la Palestine afin de lui permettre, au bout d’un certain temps, de se gouverner par elle-même. En réalité, comme nous le verrons plus loin lorsque nous aborderons la Déclaration Balfour, le vrai objectif était de permettre l’établissement d’un « national home for the Jewish people » (un foyer national pour le peuple Juif), alors que la communauté juive ne représentait que 3% avant le Mandat et 9% en 1922. Depuis, suite à l’encouragement de l’immigration juive en Palestine, la population juive est passée de 9% à 22% entre 1922 et 1936 (voir A Brief History of the Israeli Occupation of Palestine, TRT World, 2019). Initialement, le Mandat devait être une étape transitoire devant aboutir à l’indépendance de la Palestine. En effet, il était prévu que « les aspirations des communautés Palestinienne, Chrétienne et Juive » seraient une considération principale dans le choix-même de la Puissance Mandatrice » (voir The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, Part I (1917-1947), UnitedNations.org). Dans les faits, le Mandat Britannique a été établi sans prendre en compte l’article 22 (alinéa 4) de la Convention de la Ligue des Nations qui stipule que les désirs des communautés non-Juives doivent être une considération principale dans le choix de l’Autorité Mandatrice. Lord Sydenham, ancien gouverneur de Victoria, ancien Secrétaire du Comité de Défense Impériale et ancien Président du Tribunal d’Appel britannique, ira encore plus loin pour dire à Arthur Balfour : « Le mal fait en implantant une population étrangère dans un pays Arabe—Arabe sur l’ensemble du territoire—ne sera peut-être jamais remédé…Ce que nous avons fait est (par concessions, non pas au peuple Juif, mais à la section extrêmiste sioniste) est de créer un mal en train de se développer à l’Est, et que personne ne pourrait dire jusqu’où ce mal va aller » (voir British Government, Hansard Report, House of Lords, 21 June 1922, p. 1025, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op. cit).

En dépit de toutes ces contradictions entre les faits, les textes et les déclarations, « L’Organisation Sioniste a réussi a inscrire dans le texte final du Mandat les principes de la « connexion historique [attachement historique] et de la « reconstitution » [Etat, Commonwealth] pour le peuple Juif et à faire approuver le texte par la Ligue des Nations le 24 juillet 1922 qui est entré en vigueur en septembre 1923 suite au Traité de Lausanne entre les Puissances Alliées victorieuses et l’Empire Ottoman signé en Octobre 1922. Le texte final du Mandat a donné autorité aux Puissances Alliées pour se partager les pays sous mandats de la Ligue des Nations, y compris la Palestine, et a incorporé en son sein la Déclaration Balfour de 1917, déterminant ainsi le destin de la Palestine et l’émergence de l’Etat israélien. Trois articles inscrits dans le Mandat sont particulièrement à souligner. L’article 2 stipule que « L’Autorité Mandatrice sera responsable pour placer le pays [la Palestine] sous des conditions politiques conduisant à assurer l’établissement du foyer national Juif… ». L’article 4 prévoit qu’ « Une Agence Juive [Jewish Agency] appropriée sera reconnue en tant que corps public avec pour but de conseiller et de coopérer avec ‘l’Autorité administrant la Palestine’ dans des conditions économiques, sociales et autres dans le but d’assurer l’établissement du foyer national Juif et les intérêts de la population Juive de Palestine… ». L’article 6 indique que « L’Administration de la Palestine […] facilitera l’immigration juive dans ces conditions acceptables et encouragera, en collaboration avec l’Agence Juive, la colonisation du [territoire Palestinien] par les Juifs, incluant les terres publiques et les terres non travaillées » (voir « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). Aucune référence, par contre, n’était faite dans le texte final du Mandat aux droits des Palestiniens, à commencer par le droit de choisir leur autorité mandatrice.

LA DECLARATION BALFOUR

Dans une lettre adressée à Lionel Walter Rothschild, banquier, politicien et Président du Bureau des Députés des Juifs Britanniques (1925-1926), le Secrétaire Britannique aux Affaires Etrangères, Arthur James Balfour écrivait :

« Cher Lord Rothschild,
J’ai le plaisir de vous faire part de la Déclaration suivante de sympathie du Gouvernement de Sa Majesté relative aux aspirations juives sionistes qui a été soumise à l’approbation du Cabinet :
« Le Gouvernement de Sa Majesté considère favorablement l’établissement d’un foyer national pour le peuple Juif [national home for the Jewish people], et utilisera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant entendu que rien ne sera fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non-Juives de Palestine ou les droits et le statut politiques dont jouissent les Juifs dans les autres pays. Je vous serai gré de porter cette Déclaration à la connaissance de la Fédération Sioniste » (Signé : Arthur James Balfour).

Cette Déclaration porte, depuis, le nom de « Déclaration Balfour » et fait partie intégrante du Mandat Britannique examiné précédemment. Il faut rappeler que, en 1915, dans une autre correspondance entre Sherif Hussein, Emir de Mecca et Sir McMahon, Commissaire Britannique en Egypte, le Gouvernement Britannique avait promis l’indépendance de la Palestine. Dans cette correspondance, Hussein avait demandé, sans équivoque, l’indépendance des pays Arabes, y inclus la Palestine. La réponse du Gouvernement Britannique était, également sans équivoque : « The Entente Powers are determined that the Arab race shall be given full opportunity of once again forming a nation in the world…and that no people shall be subject to another” (Les Puissances de l’Entente sont déterminées à ce que soit offerte à la race Arabe l’opportunité, une fois de plus, de constituer une nation au sein du monde…et qu’aucun peuple ne sera jamais soumis à la domination d’un autre) (voir « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). L’historien britannique Arnold J. Toynbee, alors membre du British Office, avait écrit en 1968, à propos de cette correspondance : « Ainsi que j’interprète la correspondance Hussein-McMahon, la Palestine n’a pas été exclue par le Gouvernement Britannique de la zône dans laquelle il avait promis au Roi Hussein de reconnaître et de soutenir l’indépendance arabe. Les Palestiniens-Arabes pourraient, par conséquent, parfaitement supposer que la Grande Bretagne s’est engagée à préparer la Palestine à devenir un Etat indépendant » (voir The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). Il faut aussi faire remarquer que la Déclaration Balfour parle de « national home » (foyer national) pour les Juifs, et non « d’Etat » au sens de la Charte des Nations Unies. L’usage de l’expression « national home » au lieu de « Etat » laissait place à toutes sortes d’interprétations. Cependant, dans l’esprit de ses initiateurs, « National home always meant an eventual Jewish State » (National home a toujours voulu dire un éventuel Etat Juif) (voir Meeting entre Chaim Azriel Weizmann, un des principaux leaders du Sionisme Mondial, Arthur Balfour et Lloyd George, alors Premier Ministre Britannique, 1922). Selon certaines sources, quatre raisons principales non déclarées peuvent expliquer les motivations de la Déclaration Balfour : « (1) la volonté du gouvernement britannique et des autres puissances alliées de maintenir le contrôle sur la Palestine pour des raisons stratégiques (maintenir l’Egypte et le Canal de Suez sous la souveraineté et l’influence britannique ; (2) le besoin de la Grande Bretagne de s’assurer l’appui des Juifs Américains et Russes en vue de soutenir l’effort de guerre et assurer la victoire des Alliés ; (3) l’importance représentée par le lobby Sioniste et les relations étroites entre la communauté Sioniste et le gouvernement britannique (certains membres du gouvernement britannique sont eux-mêmes membres du Mouvement Sioniste Mondial) ; et (4) la volonté du gouvernement britannique de se solidariser avec les Juifs persécutés en Europe » (voir A Brief History of the Israeli Occupation of Palestine, TRT World, 2019). Il faut aussi souligner que, sans l’aval des autres puissances alliées, la Déclaration Balfour n’aurait probablement pas été adoptée. S’agissant de l’appui Américain, dans une réunion du Cabinet Britannique tenue le 4 octobre 1917, Arthur Balfour aurait déclaré : « President Wilson is extremely favorable to the Movement » (le Président [Américain de l’époque] Wilson est extrêmement favorable au Mouvement) (voir A Brief History of the Israeli Occupation of Palestine, op. cit). La France aussi avait appuyé la Déclaration Balfour. Dans une lettre adressée à Nahum Sokolow, Sioniste polonais, Jules Camdon, diplomate français, avait écrit que la France était favorable à une « Jewish colonization of Palestine » (la France était favorable à une colonisation juive de la Palestine). Cette lettre déclarait expressément : « Ce serait un acte de justice et de réparation que d’assister, par le biais de la protection des Puissances Alliées, à la renaissance de la nationalité Juive dans cette terre d’où les Juifs étaient exilés il y a tant de siècles » (voir A Brief History of the Israeli Occupation of Palestine, TRT World, op. cit).

C’est cette contradiction dans les objectifs du Mandat et de la Déclaration Balfour—qui promettaient l’établissement d’un « national home » pour les Juifs, d’une part et, aux Arabes (dont la Palestine), qu’ils obtiendront leur indépendance au bout d’un certain temps, d’autre part—constitue le nœud gordien du conflit Israélo-Palestinien qui dure jusqu’à ce jour. Il faut souligner aussi qu’entre la première mouture de la Déclaration Balfour rédigée par l’Organisation Sioniste et sa version finale, il y a d’importantes nuances de langage. La première mouture déclarait : « Le Gouvernement de Sa Majesté accepte le principe que la Palestine serait « reconstituée » en tant que foyer pour le peuple Juif, tandis que la version finale indiquait : « Le Gouvernement de Sa Majesté considère favorablement l’établissement d’un « national home for the Jewish people ». Le terme « re-constitution » signifierait que le foyer Juif existait déjà et que le but était simplement de le « rétablir ». Une deuxième différence entre ces deux versions est que la première dit que « le gouvernement de Sa Majesté utilisera tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la réalisation de cet objectif (reconstitution du foyer national Juif) et discutera des moyens et méthodes nécessaires « avec l’Organisation Sioniste », tandis que la version finale ne fait pas référence à l’Organisation Sioniste (la mention de cette Organisation ayant été supprimée à l’initiative de Chaim Weizmann (voir « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit).

Une autre source de contradiction de la Déclaration Balfour était que—en dépit du fait que la population Palestinienne représentait 90% de la population totale de la Palestine en 1917 et qu’elle était propriétaire de 97% des terres en Palestine—la Déclaration Balfour parlait de la communauté Palestinienne comme « the existing non-Jewish community in Palestine », c’est-à-dire comme si la communauté palestinienne était la « minorité » (voir J.M.N Jeffries, Palestine : The Reality, Longmans Green, 1939, pp. 248-257, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op. cit).

Une autre injustice contenue dans la Déclaration Balfour consistait dans la formule indiquée à la fin du texte : « that nothing shall be done which may prejudice the rights and political status enjoyed by Jews in any country » (que rien ne soit fait qui porte préjudice aux droits et statut politiques dont jouissent les Juifs dans tous les pays). L’injustice réside dans le fait que la Déclaration ne fait aucune référence aux droits politiques des Palestiniens, à commencer par leur droit à l’indépendance.

Plusieurs personnalités Britanniques avaient critiqué cette Déclaration. L’une d’elle est Lord Curzon, alors Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères et Vice-Roi d’Inde et Président du Conseil de la Ligue des Nations. Curzon écrit : « Il [Weizmann] envisage un Etat Juif possédant l’essentiel des terres et dirigeant l’administration. Il [Weizmann] essaie de réaliser cela derrière l’écran et sous le parapluie des autorités Britanniques » (voir British Government, Public Record Office Cabinet n0.27/23, 1918, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). Cependant, ceux qui étaient favorables à la Déclaration Balfour et donc à l’établissement d’un Etat Juif en Palestine étaient dominants. C’est ainsi que, lors d’une intrevue entre Arthur Balfour et Justice Brandeis (un Juge Américain Juif, ancien Président de l’Organisation Sioniste Mondiale (1914-1918), Brandeis avait déclaré : « Les Sionistes cherchent à établir ce foyer en Palestine parce qu’ils sont convaincus que le désir éternel des Juifs pour la Palestine est un fait de la plus grande importance ; que c’est la manifestation d’une lutte pour la survie d’un peuple ancien qui a établi son droit à vivre, un peuple dont la civilisation de 3 mille ans a produit une foi, une culture et une individualité qui lui permet de contribuer largement dans le futur, comme il l’a fait dans le passé, à faire avancer la civilisation. Que ce n’est pas seulement un droit, mais un devoir pour la nationalité Juive de survivre et de se développer » (voir Louis Dembitz, Brandeis Speech à la Conférence des pays de l’Est du Conseil de Réforme des Rabbins, 25 avril, 1915) et Louis Brandeis, The Jewish Problem : How to Solve it », May 17, 2009).

LE PLAN DE PARTITION DE LA PALESTINE

Le Plan de Partition de la Palestine a été initié par les Nations-Unies le 29 novembre 1947. Ce Plan envisageait la création de deux Etats : un Etat Palestinien et un Etat Juif devant être intégrés par une Union Economique. Ce Plan prévoyait aussi la mise sous régime « corpus separatum » (corps avec régime à part) de Jérusalem, c’est-à-dire sous l’égide des Nations-Unies (Résolution 181 (II) de l’Assemblée Générale de l’ONU du 29 novembre 1947. Deux semaines après, le Secrétaire Britannique aux Colonies, Arthur Creech Jones, avait annoncé la fin du Mandat Britannique devant prendre effet le 15 mai 1948. Le 15 mai 1947, les Nations-Unies avaient créé un Comité Spécial d’Investigation sur la Palestine (UNSCOP)—formé de 11 pays (Australie, Canada, Tchécoslovaquie, Guatemala, Inde, Iran, Pays-Bas, Pérou, Suède, Uruguay, Yougoslavie)—chargé d’enquêter sur les causes du conflit Israélo-Palestinien et de trouver une solution au conflit. Ce Comité avait soumis deux scénarios : (1) celui de la majorité des membres qui proposaient deux Etats séparés ayant des relations économiques entre eux ; et le scénario de la minorité des membres qui soutenaient la création d’un Etat unique binational (ou fédéral) composé de deux zônes autonomes, l’une Juive, l’autre Palestinienne, avec Jérusalem comme capitale. La communauté Juive avait accepté le premier scénario (deux Etats), tandis que les Palestiniens se sont opposés aux deux scénarios. Un troisième scénario avait été proposé dans lequel seuls les Juifs qui étaient arrivés en Palestine avant la Déclaration Balfour (1917) seraient admis et reconnus comme citoyens de l’Etat envisagé. Ce dernier scénario avait été refusé par la communauté Juive. Le Haut Comité Arabe (représentant la cause palestinienne), dirigé par Amin al Husseini, le Grand Mufti de Jérusalem, avait refusé de reconnaître UNSCOP, prétextant que les droits des Palestiniens ne doivent pas être sujets à investigation et doivent être reconnus comme leurs droits naturels sur la base de la Charte des Nations Unies.

Dans le cas des deux Etats séparés, le Plan de Partition prévoyait que l’Etat Palestinien aurait un territoire de 11 000 km2 (soit 42% de la superficie de la Palestine) et l’Etat Juif aurait un territoire de 14 000 km2 (soit 56%), le reste (soit 2%)—représenté par les cités de Jérusalem, Bethlehem et la région environnante—serait une zône administrée internationalement. Le Plan de Partition prévoyait : (1) la fin du Mandat Britannique sur la Palestine ; (2) le retrait graduel des forces armées Britanniques et (3) la délimitation des frontières entre les deux Etats et Jérusalem. Le Plan proposait aussi une Union Economique entre les deux Etats et la protection des droits religieux des minorités. Ce Plan était accepté et célébré par la communauté Juive (notamment l’Agence Juive), mais le Haut Comité Arabe, la Ligue Arabe et d’autres pays Arabes avaient refusé de l’adopter. Les Palestiniens refusaient aussi le Plan parce qu’il violait le principe-même d’auto-détermination reconnu par la Charte des Nations Unies qui stipule que les peuples ont droit à décider de leur propre sort.

Face à un tel imbroglio, et à l’absence d’accord sur une des solutions proposées, le Plan n’avait pas pu être appliqué, ce qui a eu pour résultat des attaques réciproques récurrentes, comme en témoigne l’attaque du 7 octobre 2023 de Hamas contre Israel et la riposte du gouvernement de Netanyahu qui se poursuit encore aujourd’hui.

L’idée de la partition avait déjà été acceptée par le Gouvernement Britannique après l’adoption du « White Paper » de juillet 1937 et par la Commission Royale sur la Palestine (Commission Peel) à la suite de l’échec du Mandat Britannique. Le « White Paper » de 1937 justifiait le Plan de Partition de la manière suivante : « [1] Il y a un conflit irréconciliable entre les aspirations des Arabes et des Juifs en Palestine ; [2] « ces aspirations ne peuvent pas être satisfaites par les termes du présent Mandat et (3) il est [nécessaire] qu’un schéma de partition conforme aux recommandations de la Commission Royale représente la solution la plus adéquate pour sortir de l’impasse. Les Arabes obtiendraient leur indépendance et donc seraient en mesure de coopérer sur un même pied d’égalité avec les Arabes des autres pays voisins […]. Ils seraient finalement délivrés de la peur d’une domination Juive […] D’un autre côté, la partition assurerait l’établissement d’un foyer national Juif et délivrerait la communauté Juive de toute possibilité d’être soumise à un gouvernement Arabe ». Le Plan de Partition aurait aussi eu pour résultat de convertir le « foyer national Juif » en un « Etat Juif… » (voir British Government, Palestine Partition Commission Report, cmd 5854 (1938), cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op. cit). Ce qu’il faut surtout souligner, c’est la dernière partie de la citation ci-dessus : « le foyer national Juif » serait, selon le Plan de Partition, converti en un « Etat Juif ». En d’autres termes, il était question de créer un « Etat de fait » (l’Etat Juif) dans un « Etat de Droit » (l’Etat Palestinien). Un autre « White Paper », appelé MacDonald White Paper », établi le 17 mai 1939, avait déclaré que l’établissement de deux Etats indépendants—un Etat Juif et un Etat Palestinien—était « impraticable ».

L’objectif du gouvernement Britannique, avec le Plan de Partition, était l’établissement, dans l’espace de 10 ans, d’une Palestine indépendante. Cet Etat devrait être un dans lequel les Palestiniens et les Juifs partageraient le gouvernement de telle manière à assurer que les intérêts de chaque communauté seraient sauvegardés (voir Statement of Policy, MacDonald White Paper, cmd 6019 (1939), cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). Pour les Juifs, cette solution allait contre leur projet d’établissement (de « reconstitution ») d’un Etat Juif.

En 1942, réunis à l’Hôtel Biltmore (New York), les organisations Sionistes avaient proposé, dans une Déclaration appelée « Progamme de Biltmore », la création d’un Commonwealth Juif en Palestine où « les Juifs et les Arabes, pratiquant leur propres cultures et traditions respectives, coopèreraient en tant que citoyens libres et contribueraient à la prospérité et au bien-être de l’Etat unitaire. Les citoyens Arabes du Commonwealth Juif seraient considérés de la même manière que les citoyens parlant Français au Canada. Ce serait un Etat Juif démocratique composé de Juifs, Musulmans, et Chrétiens, et s’il y en a, les Boudhistes et autres [confessions] » (voir Louis E, Levinthal, The Case for a Jewish Commonwealth in Palestine, Sage Journal, vol.240, issue 1, July 1945). Il est clair que dans ce Commonwealth, ce seraient les Juifs qui seraient aux commandes et les Palestiniens de simples sujets.

LE MOUVEMENT SIONISTE ET SA STRATEGIE

La quatrième cause principale du conflit Israélo-Palestiniens—certains la considèrent comme la première—est le Mouvement Sioniste. Le Mouvement Sioniste, mis en œuvre par l’Organisation Sioniste et l’Agence Juive (Jewish Agency), est celui qui a théorisé et mis à exécution la stratégie et le plan d’établissement d’un Etat Juif en Palestine. Créé et dirigé par les leaders Sionistes comme Theodor Herzl, fondateur du Mouvement, lors du Premier Congrès Sioniste de Bâle (Suisse) en 1897 et Chaim Azriel Weizmann, Président de l’Organisation Mondiale Sioniste (World Zionist Organization, WZO) de 1921 à 1931 puis de 1935 à 1946. L’objectif de la WZO était de créer une patrie Juive dans « Eretz Yisrael » (la terre d’Israel), c’est-à-dire la Palestine. La WZO avait été appuyée par deux organisations alliées : une organisation financière appelée « Jewish Colonial Trust » (JCT), fondée en 1899 avec pour mission de financer la WZO et une organisation foncière et immobilière, appelé « Jewish National Fund « (JNF) fondée en 1901 et chargée de l’acquisition des terres en Palestine. Certains membres du Mouvement Sioniste, ainsi qu’on l’a indiqué plus haut, étaient, en même temps, membres du membre du gouvernement britannique. C’est le cas de Herbert Samuel, le premier officiel de confession Juive à faire partie du Cabinet Britannique et le leader du Parti Libéral anglais. Défenseur du Sionisme au sein du gouvernement britannique, il rédigera un mémorandum en janvier-mars 1915 (deux mois après la déclaration de guerre contre l’Empire Ottoman) intitulé « The Future of Palestine ». En 1920, il fut nommé Commissaire pour la Palestine, chargé de gouverner le territoire Palestinien. Dans ce mémorandum, Herbert Samuel écrivait : « The British annexation of Palestine [where] we plant 3 to 4 million European Jews” (voir Meyer Weisgel, (ed), Chaim Weizmann, NY, Dial Press, 1944, p. 131, cité in “The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op. cit). Chaim Weizmann, l’autre leader du Sionisme, de son côté, écrivait, dans une lettre adressée à un partisan du Sionisme : « Si la Palestine tombait dans la sphère d’influence britannique et si la Grande Bretagne encourageait une colonie Juive en Palestine, en tant que dépendance britannique, nous pourrions avoir, dans 20 ou 30 ans, un million de Juifs en Palestine—et peut-être davantage…ils [les Juifs] formeraient une garde effective du Canal de Suez » (Chaim Weizmann, Trial and Error, NY, Harper, 1999, p. 149).

Pour implémenter ses visées, l’Organisation Sioniste Mondiale utilisait trois moyens : (1) une immigration Juive à grande échelle vers la Palestine, (2) l’acquisition des terres Palestiniennes et (3) le refus d’employer les travailleurs Palestiniens. La politique d’immigration était appliquée par l’Agence Juive et la Fédération Générale des Travailleurs Juifs sous l’égide de la WZO. La politique d’acquisition des terres était du ressort du Département Colonisation de la WZO, de l’Association de Colonisation Juive en Palestine et de Keren ha-Yesod, une organisation chargée de récolter des fonds et de financer les colonies Juives en Palestine. La politique relative à l’emploi des travailleurs Palestiniens était règlementée par la Constitution de l’Agence Juive qui stipulait que : « (1) l’Agence devra promouvoir la colonisation agricole basée sur le travail Juif…Il doit être érigé en principe que le travail Juif sera utilisé…, (2) « le colon, par suite, entreprend que…si et à tous moments lorsqu’il est obligé de recruter, doit recruter seulement des travailleurs Juifs » (voir British Government in Palestine, Report on Immigration, Land and Settlement and Development, cmd 3686, pp. 52-53, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). Face à ces visées colonialistes de la WZO, les Palestiniens avaient souligné que le probleme Palestinien ne réside pas dans la présence de la communauté Juive en Palestine : « Nous souhaitons souligner, une fois de plus, que la population Juive de Palestine, qui y vivait avant la guerre, n’a jamais connu de problème avec leurs voisins arabes. Elle jouissait des mêmes droits et privilèges que ceux des citoyens Ottomans et n’avait jamais été en faveur de la Déclaration Balfour « (voir John Norton Moore, The Arab-Isaraeli Conflict, Princeton University Press, 1974, pp. 22FF, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op.cit). Un des leaders Sionistes, Vladimir Jobotinsky, écrivain, poète et fondateur de l’Organisation Sioniste de Self-Defense d’Odessa (Russie), disait en Juillet 1921 : « Aujourd’hui, les Juifs sont une minorité en Palestine. Dans vingt-ans, ils pourraient facilement devenir la majorité. Si nous étions Arabes, nous ne l’accepterions pas non plus » (Lorenzo Kamel, Framing the Partition Plan for Palestine, op. cit). Un autre leader Sioniste Allemand, Arthur Ruppin, Directeur du « Palestine Office of the Zionist Organization », et chargé de l’immigration Juive en Palestine, déclarait, lors du 8è Congrès Sioniste en 1907 que l’objectif des Sionistes était : « La création d’un milieu Juif et d’une économie fermée Juive dans laquelle les producteurs, les consommateurs et les intermédiaires seraient tous Juifs » (Lorenzo Kamel, Framing the Partition Plan for Palestine, op. cit).

SITUATION DU CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN EN 1945/1946

Dans les années après la Seconde Guerre Mondiale (1945/46), les positions des deux communautés—le peuple Palestinien, qui était largement majoritaire, et la communauté Juive, qui était minoritaire et qui était représentée principalement par les Organisations Sionistes—étaient totalement opposées, voire « irréconciliables » selon certains. Afin de synthétiser ces vues divergentes, nous citerons deux déclarations, l’une de l’Agence Juive en mai 1945 et l’autre des pays Arabes lors de la Conférence de Londres (de Septembre 1946 à Février 1947) qui avait pour objectif de résoudre la question Palestinienne et de trouver un moyen de mettre fin au Mandat Britannique sur la Palestine.

En mai 1945, l’Agence Juive avait présenté au Gouvernement Britannique les demandes suivantes : « (1) qu’une réponse immédiate soit trouvée pour établir la Palestine comme Etat Juif, (2) que l’Agence Juive soit investie de tous les pouvoirs nécessaires pour faire venir en Palestine autant de Juifs nécessaires et possibles pour occuper et développer, rapidement et pleinement, toutes les ressources du pays, notamment les ressources terriennes et énergétiques, (3) qu’un prêt international et autre type d’aide soient accordés pour le transfert du premier million de Juifs vers la Palestine et pour le développement économique du pays, (4) que des compensations en nature soient accordées au peuple Juif pour la reconstruction de la Palestine et—comme premier geste—que toutes les propriétés allemandes de Palestine soient utilisées pour le repeuplement des Juifs qui désirent s’installer en Palestine » (voir Royal Institute of International Affairs, RIIA, Great Britain in Palestine, pp. 139-140, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op. cit). Il est clair, à la lecture de ces demandes, que le but poursuivi par l’Agence Juive était l’occupation du territoire Palestinien et sa domination par la population Juive grâce notamment à l’immigration Juive en Palestine.

De leur côté, Les Palestiniens avaient aussi fait au gouvernement britannique, lors de la Conférence de Londres de 1946/47, un certain nombre de demandes qui étaient totalement opposées à celles de l’Agence Juive. Ces demandes étaient principalement : « (1) que la Palestine soit un Etat unitaire avec une majorité Arabe permanente et qu’elle puisse atteindre son indépendance après une courte période de transition (2 à 3 ans) sous les auspices du Mandat Britannique, (2) qu’au sein de cet Etat unique, les Juifs qui auraient acquis la nationalité Palestinienne (dont la condition était d’avoir résidé pendant 10 ans) auraient les pleins droits civils au même titre que les autres citoyens de Palestine, (3) que des garde-fous soient établis pour protéger les droits religieux et culturels de la communauté Juive, (4) que la communauté Juive puisse obtenir un certain nombre de sièges à l’Assemblée Législative proportionnellement au nombre de citoyens Juifs en Palestine (ainsi que définis) à condition que, dans aucun cas, le nombre de représentants Juifs n’excède 1/3 du nombre total des membres, et (5) que toutes lois concernant l’immigration et le transfert des terres requièrent le consentement des Arabes de Palestine telle qu’exprimé par la majorité des membres Arabes de l’Assemblée Législative, et que les garde-fous établis par la communauté Juive ne puissent être changés que sur le consentement de la majorité des Juifs à l’Assemblée » (voir British Government, The Political History of Palestine, p. 38, cité in « The Question of Palestine : Origins and Evolution of the Palestine Problem, op. cit).

Ce qui est frappant en lisant et en comparant les demandes de l’Agence Juive et celles des Palestiniens, c’est leur opposition quasi-totale. Tandis que les demandes des Palestiniens se préoccupaient de sauvegarder les intérêts de la communauté Juive, celles de l’Agence Juive ignoraient complètement les droits des Palestiniens. D’où l’impasse qui était réelle à l’époque et qui persiste encore à ce jour.

CONCLUSION

L’histoire de la Palestine ne peut pas être résumée, comme nous l’avons dit, dans un seul article tant elle est longue et complexe. Ce que nous avons présenté ci-dessus n’est qu’un aperçu, une vue d’avion, des principaux facteurs qui ont conduit à ce qu’on appelle « la Question Palestinienne ». Avant de parler de ces facteurs, nous avons estimé utile de donner un aperçu de la situation de la Palestine à l’époque Ottomane. Nous avons vu qu’au cours des 401 années de règne Ottoman sur la Palestine, les communautés Juive et Palestinienne vivaient en harmonie grâce au système du Millet qui accordait une importance et une autonomie à chacune des trois communautés principales (Musulmans, Chrétiens et Juifs). S’agissant des causes de la « Question Palestinienne »—qui sont encore vraies aujourd’hui—les principales sont : le Mandat Britannique sur la Palestine, la Déclaration Balfour de 1917, le Plan de Partition de la Palestine de 1947, et le Mouvement Sioniste dirigé par l’Organisation Sioniste Mondiale (WZO). Le Mandat Britannique en Palestine avait originellement pour objectif d’aider la Palestine administrativement, politiquement et économiquement à atteindre son indépendance au bout de quelques années. Malheureusement, ainsi que nous l’avons vu, ce résultat ne sera jamais atteint jusqu’à ce jour. La Déclaration Balfour de 1917 n’a pas arrangé les choses, au contraire. Elle avait encouragé la création d’un « national home for the Jewish people », notamment en favorisant l’immigration Juive en Palestine, ignorant totalement les aspirations des Palestiniens et leur droit à l’autodétermination. Le résultat était l’émergence et le développement des conflits récurrents entre les deux communautés, conflits qui persistent encore aujourd’hui comme en témoigne l’attaque du 7 octobre 2023 du Hamas contre Israel et la riposte sauvage Israélienne qui s’en est suivie. Face à cette impasse, un Plan de Partition de la Palestine avait été adopté en 1947, partageant la Palestine en deux parties et accordant la plus grande part du territoire à la communauté Juive et une faible part aux Palestiniens. Ce Plan, qui avait pour objectif de mettre fin aux conflits entre les deux communautés a eu, en fait, pour résultat d’aggraver la situation. L’autre facteur majeur qui a contribué à l’émergence et à l’accentuation du conflit était le Mouvement Sioniste dont l’objectif, dès sa création en 1878, était d’établir un « Etat » Juif en terre Palestinienne au moyen des colonies de peuplement qu’il n’a jamais cessé d’encourager jusqu’à ce jour. Plusieurs initiatives internationales avaient été adoptées pour tenter de résoudre ce conflit ancestral et éternel, mais aucune jusqu’à présent n’a réussi. Au point où la situation se trouve en Palestine aujourd’hui, la question qui se pose est : « Est-il encore possible de parler d’Etat Palestinien alors que le territoire occupé par les Palestiniens ne représente qu’environ 10% ? La supposée solution à deux Etats qui est toujours prônée par les instances internationales et les grandes puissances soutenant Israel et qui est refusée par les deux communautés ne ferait que créer un Etat « Goliath » face à un Etat « David » qui pourrait finir par la victoire du premier sur le second./

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