Le livre de Dalia Ghanem, « Understanding the Persistence of Competitive Authoritarianism in Algeria” : Le système politique algérien mis à nu.

Publié le 16 juin 2023 par Farid DAOUDI

Par Arezki Ighemat, Ph.D in economics
Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)

“How the Algerian regime has managed to withstand serious internal challenges to its rule—social untest in the 1980s, civil war in the 1990s, the Kabylia protests in 2001, the Arab Spring in 2011, the crash of oil prices in 2014-16, and the mass demonstrations of 2019—is instructive” (Dalia Ghanem, op. cit, p. 199)

Introduction

Intitulé “Understanding the Persistence of CompetitiveAuthoritarianism in Algeria” (Comprendre la persistance de l’autoritarisme compétitif en Algérie), et paru aux éditions Palgrave-Macmillan en Août 2022, le livre de Dalia Ghanem est une analyse sans complaisance du système politique algérien qu’elle qualifie « d’autoritarisme compétitif ». L’auteure—beaucoup plus connue sur la scène internationale qu’en Algérie—détient un Ph.D de l’université de Versailles Saint Quentin en Yvelines et de l’université de Paris I, Panthéon-Sorbonne. Ella été chercheuse au Carnegie Middle East Center de Beirut (Liban) ; a enseigné au Williams College (Massachusetts, USA) eta travaillé comme chercheuse-assistante au Centre d’Analyse et de Régulation Politique de l’université de Versailles (France). Elle est aujourd’hui ‘Senior Analyst’ au ‘European Union Institute for Security Studies’ (EUISS), le Think Tank officiel de l’Union Européenne.

Elle est aussi l’auteure de plusieurs articles sur la politique dans la région MENA (Middle East and North Africa) globalement considérée et sur l’Algérie en particulier. Dalia Ghanem est écoutée dans plusieurs arènes académiques et politiques internationales et intervient fréquemment sur les plateaux médiatiques et les débats internationaux sur les questions concernant le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Algérie en particulier. Dans son livre, que nous présenterons dans le présent article, l’auteure examine les dessous et les dessus du système politique algérien. Son ouvrage,est, dans une certaine mesure (mais pas seulement), un concentré de tous ses écrits sur les questions politiques en Algérie et un jalon majeur dans sa carrière d’analyste politique.

Dans ce qui suit, nous montrerons comment l’auteure pénètre dans les corridors du régime politique algérien pour nous révéler les variables et les constantes de ce régime. Elle montre que le régime algérien a tenu le cap en dépit des vents et des orages auxquels il a dû faire face de l’indépendance en 1962 jusqu’au Hirak de 2019 et 2021. Après une introduction dans laquelle elle annonce le plan de son ouvrage, qui comprend cinq chapitres traitant des cinq piliers qui, selon elle, permettent à l’édifice politique algérien de résister et de se maintenir, l’auteure nous montre comment chacun de ces piliers est utilisé par le ‘Pouvoir’ algérien pour changer certaines choses sans se changer lui-même. Avant même d’aborder chacun de ces piliers, l’auteure brosse une sorte de portrait-robot général du système politique algérien et donne sa caractéristique générale.

Caractéristique générale du régime algérien

Dans l’introduction de son ouvrage, Dalia Ghanem commence par tracer les contours généraux du régime politique algérien qu’elle caractérise de « competitiveauthoritarianism » (un autoritarisme compétitif), empruntant cette appellation à Steven Levitskyet Lucan Ahmad Wayqui l’utilisent dans leur ouvrage « CompetitiveAuthoritarianism : HybridRegimesafter the Cold War » (Cambridge UniversityPress, 2010). Elle explique que, « sous ce type de régime hybride, qui combine des éléments de démocratie et d’autoritarisme, les forces d’opposition jouissent d’un certain degré d’accès aux institutions démocratiques et peuvent contester le Pouvoir […] Cependant, dira-t-elle, « l’arène politique demeure encline à pencher en faveur des entités et individus supportés par l’Etat ». Elle dira aussi que d’autres auteurs ont donné des noms quelque peu rapprochés comme, par exemple, Hugh Roberts qui parle de « pluralismwithoutenfranchisement » (pluralisme sans libéralisation) ou comme Fareed Zakaria dans ce qu’il appelle « illiberaldemocracies » (démocraties non libérales), ou encore comme Daniel Brumberg qui avance le concept de « liberalizedautocracy » (autocratie libéralisée). Pour Dalia Ghanem, dans ce type de régime, « il n’y a aucune tendance vers la démocratisation ».

Prenant le cas de l’Algérie, elle dira, « L’Algérie d’aujourd’hui est davantage la continuation de ce qu’elle était avant 1989 et qu’on n’y voit aucun signe précurseur de démocratisation ». Elle poursuit : « En dépit des changements périodiques […] l’Algérie est toujours gouvernée par un régime appuyé par l’armée qui a pris le pouvoir lorsque le pays a eu son indépendance en 1962 ». Elle dira encore : « Les preneurs de décisions du régime—ou ce que les Algériens appellent les ‘décideurs’ ou encore ‘le Pouvoir’—comprennent l’armée, le FLN (Front de Libération Nationale), et, de plus en plus, le RND (Rassemblement National Démocratique) et les élites côtières ». Elle explique ensuite comment toutes ces composantes du régime ont travaillé collaborativement à faire du régime un système inchangeable : « A travers des ouvertures judicieuses et opportunes et des interventions économiques, ils [les décideurs] ont réussi à empêcher la totale transformation des systèmes politico-économiques ». Elle résume ce processus en disant, « It is change without change » (c’est le changement sans changement).

Après ce portrait du régime politique algérien, Ghanem annonce le plan de son ouvrage qui comprend cinq chapitres traitant des cinq piliers qui, selon elle, ont permis au régime politique algérien de tenir plus de soixante ans.

Les cinq piliers du régime politique algérien

Selon Dalia Ghanem, le régime politique algérien repose sur cinq piliers qu’il utilise selon les circonstances du moment : l’armée (chapitre 2), la cooptation de l’opposition (chapitre 3), la fragmentation de la société civile (chapitre 4), la distribution de la rente (chapitre 5) et la répression (chapitre 6).

Premier pilier : l’armée algérienne

Le chapitre 2 de l’ouvrage traite de l’armée nationale populaire (ANP), héritière de l’Armée de Libération Nationale (ALN) qui a libéré le pays du joug colonial français. L’auteure considère que l’armée algérienne est la véritable détentrice du pouvoir en Algérie et que le gouvernement et l’Assemblée Nationale ne sont que sa façade. Elle passe en revue le rôle joué par l’armée depuis l’indépendance successivement sous les règnes de Ben Bella, Boumediene, Chadli Bendjedid, le HCE (Haut Comité d’Etat, sous Boudiaf), Zeroual, Bouteflika et aujourd’hui Tebboune. Par exemple, comparant le rôle de l’armée pendant les règnes de Ben Bella et Boumediene, elle écrit, « If, under Ben Bella, the armyparticipated in power, under Boumediene, ittook power » (Si, sous le régime Ben Bella, l’armée participait au pouvoir, sous celui de Boumediene, elle avait pris le pouvoir). Depuis, selon l’auteure, l’armée est devenue l’entité qui prend les décisions politiques majeures en Algérie, le gouvernement (et le Parlement) ne faisant qu’entériner et appliquer ces décisions. Elle dit que c’est l’armée qui fait et défait les gouvernements : « En sept ans, l’armée a démis trois chefs d’Etat : Chadli Bendjedid en 1992, Ali Kafi en 1994, et Liamine Zeroual en 1999 » et, bien entendu, Bouteflika dans la foulée du Hirak de 2019. Elle dit que, pendant l’ère Bouteflika, les relations entre l’armée et le Président n’étaient pas toujours bonnes et que Bouteflika avait réussi, dans une certaine mesure, à confiner l’armée dans les casernes.

Comme exemple des tensions qui existaient entre les deux institutions, Ghanem cite les mots que Bouteflika avait prononcés lors du ‘Crans Montana Forum (une organisation non gouvernementale de promotion des relations internationales et de la paix) ayant eu lieu dans la ville touristique de Crans Montana en Suisse en juillet 1999. Dans son discours, le Président prétendait qu’il était le seul à détenir le pouvoir en Algérie : « Je suis le représentant du peuple algérien, et aucune institution de la République ne peut mordre une partie de mon pouvoir, y compris l’armée nationale populaire. Je suis l’Algérie toute entière. Je suis la personnification du peuple algérien. Par conséquent, dites aux généraux de me ‘bouffer’ s’ils peuvent » (notre traduction). L’auteure dira que, en dépit de ce rapport de force entre l’armée et le DRS (Direction des Renseignements et de la Sécurité), d’une part, et le Président Bouteflika, d’autre part, l’armée a finalement eu gain de cause pusqu’elle l’a poussé à démissionner en 2019 en pleine crise du Hirak.Ghanem souligne aussi que le peuple, quant à lui, a une position quelque peu ambiguë en réclamant à la fois un pouvoir civil et la fraternité entre l’armée et la population. Ce paradoxe est symbolisé notamment par les deux slogans contradictoires clamés par les hirakistes : « Dawlamadania, machi ‘askariya » (Gouvernement civil, non militaire) et « Djeich-Chaab, khawa, khawa » (Armée-Peuple, Fraternité, Fraternité).

Le deuxième pilier : la cooptation de l’opposition

Dans le chapitre 3, intitulé « Hyperpluralism and co-optation : the secrets behindturning the opposition into a pillar of the regime” (L’hyperpluralisme et la cooptation : les secrets derrière l’institution de l’opposition comme pilier du régime), Dalia Ghanem commence par rappeler les réformes de 1989 ayant abouti à mettre fin à l’hégémonie du système de parti unique (FLN) et à créer un multipartisme, augurant de la marche de l’Algérie vers la démocratie. Elle dira, cependant, que cette ouverture démocratique a été momentanée et circonstancielle et qu’elle n’a pas créé un multipartisme authentique. L’auteure dit que « Dans le cas de l’Algérie, l’établissement d’élections multipartistes permet au régime de projeter vers le monde une image d’ouverture, mais, en même temps, de coopter les partis politiques indépendants ». Elle explique les réformes de 1989 en disant : « La ‘glasnost’ de 1989 entamée par le pays et sa mise en application ultérieure par la politique des partis doit être comprise dans le contexte de la perte, par le régime, de sa légitimité et par l’utilisation de ce stratagème pour se maintenir au pouvoir ». Elle ajoute : « The partis are stillmeant to strengthen the regime and not to challenge it” (les partis sont supposés renforcer le régime et non le défier). Les partis, selon l’auteure, ont pour but de fournir au régime une « légitimité électorale ». Citant LahouariAddi, elle dira que « opposition parties are the regime’sfigleaf » (les partis d’opposition sont la feuille de figuier du régime », c’est-à-dire le moyen utilisé par le régime pour dissimuler la réalité du pouvoir. En même temps qu’il présente aux Algériens et au monde une façade démocratique symbolisée par l’hyper-multipartisme, le régime a toujours coopté les partis pour les rallier à ses causes et réduire leur capacité de nuisance.

Le troisième pilier : la fragmentation de la société civile

Dans le chapitre 4 portant le titre de « Divide and Conquer : the atomization of civil society » (Diviser pour régner : l’atomisation de la société civile), Dalia Ghanem rappelle que, à l’instar des partis politiques, les associations de la société civile se sont multipliées suite aux réformes de 1989 : de 13 000 en 1991 à 92 627 en 2011. Comme dans le cas des partis politiques, cette floraison d’associations civiles de toutes sortes n’est que le moyen, pour le régime, de présenter une image démocratique et de se légitimer : « Le régime a ouvert le champ politique en vue d’améliorer sa légitimité nationalement et son image sur le plan international, mais il a pris les précautions de calibrer cette ouverture de sorte à ne pas perdre son pouvoir de façon significative ». L’auteure ajoute : « The regime let CSOs [Civil Society Organizations] multiply but not prosper, keeping the associative sector on a tightleash” (Le régime a laissé les organisations de la société civile foisonner tout en les maintenant sous une laisse étroite).

Ghanem dit aussi que le régime utilise plusieurs moyens pour contrôler le fonctionnement de ces associations et s’assurer qu’elles ne s’érigent pas en véritables pôles d’opposition. Parmi ces moyens, elle cite : le financement des associations, leur cooptation et la division et répression, quand les autres moyens ne réussissent pas à contrôler leurs agissements. Elle dira que, grâce à ces moyens, le régime a fait de ces associations son relai : « L’instrumentalisation des OSC (Organisations de la Société Civile) à des fins politiques a fait de plusieurs d’entre elles une extension de l’Etat et un pont grâce auquel son appareil administratif redistribue les revenus du pétrole à ses anciens et nouveaux réseaux de clientèle ». Dalia Ghanem dit que le régime utilise un autre moyen—le ‘cloning’—pour empêcher que certaines associations deviennent trop puissantes et présentent un défi contre lui. Le ‘cloning’ consiste à créer, à côté des associations « indépendantes », des associations parallèles auxquelles il promet un support financier appréciable et auxquelles il assigne pour mission de saper les velléités d’autonomie des associations originelles. Ce moyen a été utilisé notamment pour saper les associations de défense des droits de l’homme et les syndicats de travailleurs. Ces associations ont aussi été utilisées, selon l’auteure, pour réduire l’influence des partis politiques : « Le champ associatif a évolué pour constituer une sorte de réservoir dans lequel le régime coopte des individus et les nomme à des postes de l’Etat sans avoir à faire appel à des partis politiques de plus en plus discrédités ».

Le quatrième pilier : la redistribution de la rente

Le chapitre 5, dont le titre est « A controlledeconomicliberalization » (une libéralisation économique contrôlée), analyse le rôle de la redistribution de la rente pétrolière comme pilier utilisé par le régime pour s’assurer un soutien toujours renouvelé et garder les rennes du pouvoir. Le régime utilise, selon l’auteure, les revenus du pétrole selon les circonstances et le degré de loyauté ou de défiance des partis et des associations. Le régime fournit un financement substantiel aux forces politiques et associations qui le supportent et, à l’inverse, arrêtent de financer celles qui se retournent contre lui. L’auteure écrit à ce sujet : « La rente pétrolière reste le moyen par lequel le régime achète la paix sociale, s’assurer de leur allégeance et aider en même temps le système à se perpétuer ». De ce point de vue, la Sonatrach, l’entreprise nationale de production et d’exportations des hydrocarbures, est la source principale de ces ressources. Citant Miriam R. Lowi, l’auteure écrit : « Sonatrach est devenue quelque peu la vache [à lait] sacrée de l’économie algérienne et ceux qui la gèrent sont devenus virtuellement des intouchables » (Miriam R. Lowi, OilWealth and the Poverty of Politics : Algeria Compared » (Cambridge UniversityPress, 2009, p.90, citée par Dalia Ghanem, op. cit, p. 115).

Ghanem lie la redistribution de la rente à un autre phénomène qui gangrène le système algérien et qui s’est érigé en système de gouvernance : il s’agit de la corruption. Citant Mohamed Hachemaoui, elle dira : « Corruption in Algeria isneithersectorialnoraccidental ; itis a system of governance” (Mohamed Hachemaoui, La corruption politique en Algérie : l’envers de l’autoritarisme, Esprit 375 (6), pp. 111-135, cité par Dalia Ghanem, op. cit, p. 137). Liant la corruption à la cooptation, Ghanem dira : « En vérité, la corruption est utilisée pour rémunérer la loyauté des personnes envers le régime, à compromettre la compétition et à affaiblir l’opposition ». L’auteure ajoute que la corruption a touché des pans entiers de la société algérienne et non uniquement son sommet : « Corruption isdeeplyingrained in the political system and the judicial system » (la corruption est profondément enracinée dans le système politique et le système judiciaire algérien). Elle cite, pour justifier cela, le slogan des hirakistes en 2019 et 2021 : « Klitou l’bladyaSerrakine » (Vous avez bouffé le pays, Voleurs !).

Le cinquième pilier : la répression

Le cinquième et dernier pilier sur lequel repose le système algérien, selon Ghanem, est la répression. L’auteure dira que le régime algérien adapte ses stratégies aux circonstances et à la nature des protestations populaires. Selon elle, le régime utilise alternativement, ou en combinaison : la politique d’usure [attendre que le mouvement protestataire s’affaiblisse], la tolérance [laisser les protestataires manifester], les concessions [incrimination et emprisonnement des membres du clan Bouteflika en 2019], la répression à basse densité (« low-densityrepression [arrestation et harcèlement des manifestants]. Elle dira que les méthodes de répression—qui ont été apprises chez le colonisateur français pendant la lutte de libération nationale—sont ensuite appliquées pour mettre fin aux protestations populaires : « The newlyindependant state would use the samemethodsused by the French colonizer : killingopponents, silencingintellectuals, and depriving the people of theirfreedoms » (L’Etat nouvellement indépendant utilise les mêmes méthodes que celles employées par le colonisateur français : assassiner les opposants, obtenir le silence des intellectuels, et restreindre les libertés du peuple). Ghanem analyse ensuite les formes de violence et de répression utilisées par les différents gouvernements depuis l’indépendance jusqu’au hirak de 2019. Pour l’auteure, l’utilisation de la répression est justifiée par le régime en invoquant l’unité et la cohésion nationales : « Under the pretense of ofpreserving national unity, society wascloselymonitored and repressed » (Sous le prétexte de la préservation de l’unité nationale, la société était étroitement surveillée et réprimée).

Ghanem dira que la répression a pris plusieurs formes, allant de la violence physique à des formes de répression mentale : « La violence contre la société, au-delà de sa forme physique, a pris d’autres formes symboliques : l’imposition d’une Histoire fictionnelle et d’une identité unique ». Elle poursuit en disant : « Des pans entiers de l’Histoire furent effacés et les autorités algériennes mettent en exergue uniquement la guerre contre les Français qui est sublimée et idéalisée ». Toujours selon l’auteure, l’Histoire fictionnelle que le régime s’efforce de vendre au peuple algérien est basée sur trois mythes fondateurs : (1) il n’y a pas d’Histoire, stricto sensu, avant 1954 ; (2) l’existence d’un peuple homogène uni derrière les FLN/ALN, utilisant le fameux slogan « Un seul héro, le peuple » ; et (3) une révolution contre les Français entreprise par les paysans algériens.

L’auteure dira encore : « Après l’indépendance, l’iconographie des personnalités historiques a été falsifiée, réajustée et réadaptée pour se conformer aux normes du nationalisme algérien ». Elle cite le cas de la diversité culturelle qui a été ignorée pendant longtemps : « While Algerian cultural identity—withits Berber, Arab, Turkish, and French dimensions—isrich and complex, the Algérian leadership rode roughshod over thisdiversity in the name of homogeneity” (Alors que l’identité culturelle algérienne—avec ses composantes Berbère, Arabe, Turque et Française—est riche et complexe, les dirigeants algériens ont complètement ignoré cette diversité au nom de l’homogénété). L’auteure parle aussi de la violence des autorités contre les membres du FIS pendant la « Décennie Noire » des années 1990. Durant cette période, Ghanem dira que les autorités ont utilisé la torture pour obtenir des informations des détenus : « Torture was a tool to obtain crucial information and a means of intimidatingentire segments of the population » (La torture était un outil qui permettait d’obtenir des informations cruciales et un moyen d’intimider des pans entiers de la population).Ghanem dira que ce sont toutes ces pratiques qui ont poussé le peuple à sortir dans la rue depuis l’indépendance jusqu’au hirak : « Le mépris des leaders algériens envers leur peuple et le dégoût de ce dernier envers eux ont conduit des centaines de milliers d’Algériens à sortir dans la rue en février 2019 et à poursuivre leurs manifestations ». L’autre forme de répression utilisée par le régime, selon l’auteure, est constituée par le système légal : « The authoritiesalsoused the legal system to arrestactivists or place them in long-termpretrialimprisonment on false charges » (Les autorités ont aussi utilisé le système légal pour arrêter les activistes et les placer dans un imprisonnement pré-judiciaire à long-terme, les accusant de faux crimes).

Conclusion

Dans la conclusion de son ouvrage, Dalia Ghanem souligne que l’étude de la manière avec laquelle le régime algérien a fait face à tous orages politiques, sociaux et économiques depuis plus de 60 ans est très instructive. Elle dit que, en dépit de toutes les crises auxquelles il a eu à faire face depuis 1962 jusqu’au hirak de 2019, le régime a été en mesure d’adapter ses politiques aux changements intervenus aux niveaux national, régional et international et de se maintenir au pouvoir : « This system has produced, renewed, reactivated, and refinedstrategies to sustainitself » (Ce système a produit, rénové, réactivé, et raffiné ses stratégies pour se maintenir ».

Elle dira que le régime dispose de moyens solides pour résiter à tous les vents qui peuvent souffler contre lui en Algérie ou en dehors : « Algeria’s leadership has a robust and forceful state machinerythat can easilystifle opposition protests » (Le leadership algérien dispose d’une machinerie robuste, unifiée et énergique capable de faire face aux protestations). Elle cite quatre facteurs qui, selon elle, laissent à penser que le régime algérien s’oriente vers un système de plus en plus autoritariste. Ces facteurs sont : (1) des institutions étatiques autocratiques, notamment l’armée et le système judiciaire ; (2) ; les divisions au sein de l’opposition et de la société civile ; (3) la capacité décroissante du régime à acheter la paix sociale suite aux défis financiers, notamment ; et (4) l’incapacité croissante du régime à être soutenu socialement et politiquement.

L’auteure dira que si le régime a pu défier tous les mouvements de protestations depuis l’indépendance, y compris le Hirak de 2019 et 2021, il ne pourra pas le faire indéfiniment. Elle termine son livre en disant : « En vue de survivre, ou en tous cas, de survivre sans avoir à combattre contre son peuple, le régime—qui est habitué à vendre des changements cosmétiques et les faire passer comme changements fondamentaux—devra faire face à la nécessité d’instituer de réelles réformes ». Il est bien entendu qu’une revue d’ouvrage comme celle que nous venons de faire ne peut donner que les éléments essentiels de l’ouvrage de Dalia Ghanem. En effet, l’auteure donne, dans son livre, plusieurs anecdotes, faits et chiffres qu’il n’est pas possible de reprendre ici de façon exhaustive, mais qui ajouteraient à sa compréhension. Ce qui est certain, c’est que les lecteurs qui sont intéressés par l’Histoire politique de l’Algérie ont tout intérêt à lire l’ouvrage de Dalia Ghanem.


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