Accueil > Colombie : la fin des « violentologues »

Colombie : la fin des « violentologues »

par Laurence Mazure

Publie le lundi 30 août 2021 par Laurence Mazure - Open-Publishing

Le 28 avril dernier, une génération entière de jeunes Colombiens a surgi, avec des formes d’organisation politiques inédites, bien déterminée à assumer les revendications sociales et économiques de millions de leurs compatriotes des classes populaires dans le cadre du « Paro nacional » (grève générale).

Se réclamant de la Constitution de 1991 et de l’exercice du droit de vote, ils incarnent un vrai espoir. Cela met à bas les théories des « violentologues » qui, durant une cinquantaine d’années, ont formaté la vision des journalistes, particulièrement dans les médias français. S’attachant à effacer toute notion de guerre civile, ils essentialisaient la « violence » colombienne pour mieux assigner les classes populaires à l’impossibilité de tenir tout rôle politique émancipateur (...)

Hostilité à la pensée marxiste

La Violencia, c’est le nom de la guerre civile déclenchée par l’assassinat du leader libéral Jorge Eliécer Gaitán le 9 avril 1948, et qui déferlera sur la Colombie jusqu’en 1953, causant plus de 300 000 morts – un conflit jamais résolu qui va se reconfigurer au fil du temps jusqu’à nos jours. En 1958, une commission va enquêter sur les causes de la Violencia. Ses membres, dont le grand sociologue Orlando Fals Borda, publieront leurs travaux en 1962 : La Violence en Colombie donne des bases très progressistes à la sociologie colombienne et latino-américaine, en travaillant étroitement avec les classes populaires paysannes. Surnommés « violentologues », les sociologues qui vont être formés à partir de ce moment-là vont faire de ce nom un domaine de spécialisation. A Paris, l’un d’entre eux, Daniel Pécaut, donne à la « violentologie » un tour assez particulier.

A la fin des années 1980, depuis l’EHESS, Ecole des hautes études en sciences sociales, Pécaut règne en maître sur les travaux de toute une génération de jeunes chercheurs colombiens. Hostile à la pensée marxiste, il exclut toute explication du conflit par ses causes structurelles. A la fin des années 1990, il affirme qu’« il n’y a pas de guerre civile en Colombie, sinon une guerre contre la société civile ». En 2001, il publie un long article où il réussit le tour de force de faire le catalogue des situations de guerre vécues par les Colombiens – l’usage de la terreur à fins de contrôle militaire, le déplacement forcé, l’extermination d’opposants politiques de la « Union patriotica » – pour mieux conclure qu’il ne s’agit pas d’une guerre civile (...)

 Lire l’article complet sur Lecourrier.ch