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Amiante, maladies professionnelles. Ce serait de notre faute !
Publie le vendredi 30 janvier 2004 par Open-PublishingSur le même air que « c’est la faute des chômeurs s’ils ne travaillent pas », une nouvelle chanson est sous presse : c’est la faute des travailleurs s’ils attrapent des maladies professionnelles. Imaginez les conséquences si elle pouvait avoir du succès. On attend 100 000 morts dues à l’amiante dans les années qui viennent ; un million de travailleurs environ sont exposés à des produits cancérigènes ; quatre millions au total pour l’ensemble des produits toxiques.
A l’origine, un décret Jospin
A l’origine, un décret du ministère du Travail du gouvernement Jospin, en date du 1er février 2001. L’article 12 a immédiatement fait réagir les médecins du Travail, les mutuelles, les associations comme la FNATH (fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés), les syndicats. Un recours a été introduit auprès du Conseil d’Etat. Ce dernier a rendu sa décision le 9 octobre 2002, confirmant le décret et aggravant même son interprétation. Une belle continuité, une de plus, entre la Gauche et la Droite.
Que dit ce fameux article 12 ? « Un travailleur ne peut être affecté à des travaux l’exposant à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail ». Lequel doit délivrer une fiche d’aptitude attestant que ce salarié « ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux. » Ca ressemble à la fiche d’aptitude habituelle, sauf qu’on ne vous déclare plus apte à un travail « normal », mais à…des produits très dangereux.
L’arrêt du Conseil d’Etat en rajoute : « Les médecins du Travail disposent de plusieurs éléments d’ordre génétique, comportemental ou historique pour apprécier les risques particuliers que courent individuellement les salariés à être exposés à des cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. »
Jusqu’où ira-t-on ?
Le Conseil d’Etat énumère les éléments permettant de sélectionner les travailleurs ! Génétique : on tient déjà compte dans certains cas des antécédents familiaux, mais la banalisation policière des prélèvements d’ADN met la possibilité technique d’une sélection génétique des travailleurs à la portée - et à la porte - des entreprises ! Comportemental : un fumeur, par exemple, court plus de risques en matière de cancer du poumon ou de la gorge… Historique : un passé déjà chargé d’exposition (à l’amiante, aux radiations, aux éthers de glycols…) est un facteur évidemment aggravant.
Pour compléter le tableau, rappelez-vous qu’un projet de loi déposé par l’UMP propose de « réorienter » de manière radicale la fonction des médecins du Travail, leur enlevant en particulier leur rôle de prévention sur les conditions de travail. Où va-t-on ? On comprend que les médecins protestent. Et pourtant, leur rôle est déjà assez ambigu.
Prenons un lieu de travail clairement à risque, un chantier de désamiantage par exemple (Il y a encore 4 millions de tonnes d’amiante disséminée un peu partout en France). Soit vous mettez les travailleurs en condition de désamianter sans risque, avec combinaisons étanches, chantier sous-pressurisé, etc. Soit vous sélectionnez des travailleurs résistants, « non prédisposés » aux cancers et autres maladies, « aptes » à inhaler les fibres mortellement dangereuses. Ce sont deux logiques distinctes. On devine où va la préférence du patronat.
S’insurger !
La prédisposition est une notion vague et d’application aléatoire. Il est scientifiquement impossible de prévoir une maladie professionnelle. Mais les professionnels de la santé au travail s’insurgent surtout contre la démarche elle-même : « Il est inacceptable de faire une sélection sur des prédispositions »… « L’objectif est de mettre les cancers professionnels sur le compte du tabagisme, par exemple… Une application stricte du décret de février 2001 exclurait du travail environ un tiers de la population et aboutirait à reconnaître de moins en moins de maladies professionnelles » (Dr Philippe Devazies).
Redéfinir le rôle des médecins du Travail, sélectionner les travailleurs les moins exposés et les plus résistants, ne pas grever la caisse ATMP de la Sécu (accidents du travail et maladies professionnelles) entièrement financée par cotisations patronales, glisser de la responsabilité patronale à la responsabilité individuelle : contre cette tentative du patronat de fuir ses responsabilités, les professionnels de la santé se sont mobilisés. A leur manière : pétition et recours au Conseil d’Etat.
Ils ne doivent pas être les seuls. Au-delà de leur lutte quotidienne pour les conditions de travail, au-delà de leur association spécifique (ANDEVA, association nationale des victimes de l’amiante, AVEG, association des victimes des éthers de glycols…) et au-delà de leur organisation syndicale, les travailleurs et les militants doivent prendre la mesure de l’attaque - une de plus. Il faut la situer dans son contexte : la préparation d’une grande « réforme » de la Sécu.
Abrogation de l’article 12 du décret du 1/02/2001 !
ATMP : délit de fuite des assassins ! Ce sont les patrons les responsables !
Non à la dégradation organisée des conditions de travail !
PARTISAN 182 de janvier 2004
Au sommaire :
* Edito : bonne année de lutte et de solidarité
* Logement : une crise dramatique
* Contre le voile, mais contre la loi et l’exclusion
* Politique et religion
* Amiante : ce serait de notre faute ?
* Pizza Hut en grève : interview
* Basque : 700 prisonniers politiques !
* Interview prisonnier politique italien
* Lénine : 80ème anniversaire de sa disparition
et la réunion d’Utopie à Lyon
* Brésil : Lula, 1 an après
* Pologne, telle que vous ne la connaissez pas
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