Les néo-nazis au service de Poutine
Publié le 21 mars 2022
A partir du site web : theconversation.com

Comment, au fil des ans, l’Etat a appuyé les néonazis en Russie
De nombreux commentateurs ont déjà montré qu’il est absurde de dire que Vladimir Poutine a décidé de faire la guerre pour « dénazifier » l’Ukraine.
Certains ont souligné que l’extrême-droite n’avait obtenu que 2 % des voix aux élections législatives ukrainiennes de 2019, c’est-à-dire beaucoup moins que dans la plupart des pays européens. D’autres ont attiré l’attention sur le fait que le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky est juif et que des membres de sa famille ont été persécutés par les nazis. D’autres encore ont insisté sur les efforts de l’État ukrainien pour protéger les minorités comme les Tatars de Crimée et les personnes LGBTQ+, qui sont soumises à une persécution brutale en Russie.
Mais, il n’a pas été suffisamment montré que le régime de Poutine collabore lui-même avec beaucoup de militants d’extrême-droite. Alors même que les diplomates russes condamnaient les « fascistes » dans les États baltes et que les propagandistes du Kremlin s’insurgeaient contre les « ukronazis » imaginaires au pouvoir à Kiev, l’État russe cultivait ses propres nazis locaux.
Les racines du néonazisme dans la Russie de Poutine
Les origines de cette relation du régime de Poutine avec le néonazisme remontent à la fin des années 1990, lorsque la Russie a été secouée par une vague de violences racistes commises par des gangs de skinheads néonazis. Après l’accession de Poutine à la présidence en 2000, son régime a exploité cette évolution des néonazis russes de deux manières.
Premièrement, il a utilisé la menace que représentaient ces néonazis pour faire passer une législation contre l’extrémisme. Il répondait en cela à une demande de certains libéraux russes. Mais, en fin de compte, cette législation a été utilisée contre les démocrates russes.
Deuxièmement, le Kremlin a lancé le « nationalisme dirigé », une tentative de coopter et de mobiliser des militants nationalistes radicaux, y compris des néonazis, comme contrepoids à une coalition anti-Poutine émergente de démocrates et de radicaux de gauche. Ce fut le projet « Moving Together » (agir ensemble). Le premier pas a été fait par une organisation de jeunesse pro-Poutine connue pour sa campagne contre la littérature postmoderne. Cette organisation a tendu la main à OB88, le gang de skinheads le plus puissant de Russie.
Cette coopération s’est élargie au lendemain de la révolution orange ukrainienne de 2004. Pour protéger la Russie contre la contagion des protestations en faveur de la démocratie, le Kremlin a transformé « Moving Together » en un projet plus ambitieux appelé « Nashi » (Les nôtres).
Dans le cadre de ses préparatifs pour faire face à un soulèvement démocratique potentiel en Russie, « Les nôtres » a enrôlé des membres de gangs de supporters de football assimilés à l’underground néonazi. En 2005, les voyous de « Les nôtres » ont organisé une série de raids contre des groupes de jeunes anti-Poutine. L’attaque la plus violente, qui a laissé quatre militants de gauche à l’hôpital, a conduit à l’arrestation des assaillants. Ils ont été libérés, après une visite au poste de police, par Nikita Ivanov, le fonctionnaire du Kremlin qui supervisait les organisations de jeunesse loyalistes du régime.
Le scandale qui en a résulté a provoqué une reconfiguration du « nationalisme dirigé ». Alors que « Les nôtres » a pris ses distances avec les gangs de football, ses militants radicaux ont migré vers deux mandataires rivaux du Kremlin, le groupe nationaliste "Jeune Russie" et le groupe anti-immigration "Locals". Ces organisations sont devenues des ponts entre la culture néonazie et le Kremlin. Membres du mouvement pro-Kremlin « Les nôtres » en 2007.

Des membres du mouvement pro-Kremlin « Les nôtres » célèbrent
la victoire du parti de Poutine aux élections législatives de 2007.
Des dirigeants néonazis impliqués dans des meurtres
Ces liens entre le Kremlin et les fascistes russes ont rendu possible l’émergence d’un mouvement néonazi pro-Poutine.
En 2008-2009, le Kremlin a été menacé par les efforts du militant de l’opposition russe Alexei Navalny pour construire une coalition anti-Poutine de démocrates et de nationalistes radicaux en Russie. En réponse, le Kremlin a commencé à travailler avec « Russkii Obraz » (Image russe, ou RO en abrégé), un groupe néo-nazi « hardcore » surtout connu pour son journal et son groupe, « Hook from the Right » (voir la vidéo).
Avec l’aide des superviseurs du Kremlin, « Russkii Obraz » a attaqué les nationalistes qui abandonnaient la sous-culture skinhead pour la coalition anti-Poutine de Navalny. En retour, « Russkii Obraz » s’est vu accorder un accès privilégié à l’espace public et aux médias. Ses dirigeants ont tenu des débats publics télévisés avec des fonctionnaires de l’État et ont collaboré ouvertement avec Maksim Mishchenko, un député du parti au pouvoir. Le plus choquant fut que « Russkii Obraz » a accueilli un concert du tristement célèbre groupe néonazi Kolovrat sur la place Bolotnaya de Moscou, à portée de voix du Kremlin. (voir la video)
Le problème pour le Kremlin était que le chef de « Russkii Obraz », Ilya Goryachev, était un fervent partisan de « l’underground néonazi » avec ses skinheads qui ont commis des centaines de meurtres racistes dans la seconde moitié des années 2000.
Les autorités ont fermé les yeux sur la production par « Russkii Obraz » d’un « documentaire internet » de deux heures intitulé « Russian Resistance ». Celui-ci célébrait ces tueurs comme des héros patriotiques et appelait à la lutte armée contre le régime. Mais les autorités ne pouvaient ignorer l’arrestation pour meurtre de Nikita Tikhonov, un ex-skinhead cofondateur de « Russkii Obraz ». Tikhonov était le chef de BORN ("Organisation de combat des nationalistes russes"), un groupe terroriste qui a commis une série de meurtres de personnalités publiques et de militants antifascistes. Parmi les victimes figuraient le célèbre avocat des droits de l’homme Stanislav Markelov et la journaliste Anastasia Baburova. Tikhonov a été reconnu coupable de leurs meurtres en 2011.
L’enquête policière a révélé que Goryachev considérait BORN et « Russkii Obraz » comme les plates-formes armées et politiques d’une insurrection néonazie, sur le modèle de l’IRA et du Sinn Féin en Irlande et en Irlande du Nord. Les documents judiciaires montrent que, alors que Goryachev rendait compte à ses superviseurs du Kremlin, il conseillait également Tikhonov sur le choix des victimes de meurtre. Goryachev a été reconnu coupable en 2015 d’avoir ordonné le meurtre de nombreuses personnes, dont Markelov.
Toute cette mauvaise publicité a détruit la carrière de certains des promoteurs nazis du Kremlin, mais les vétérans de « Russkii Obraz » ont prospéré dans les institutions de propagande du régime de plus en plus autocratique de Poutine.
L’une d’elles est Anna Trigga, qui travaillait pour l’Internet Research Agency qui s’est ingérée dans l’élection présidentielle américaine de 2016 et a tenté de fomenter la haine anti-musulmane en Australie. Un autre est Andrei Gulyutin, rédacteur en chef du site Web Ridus, une importante plate-forme du nationalisme russe pro-Poutine.

Promouvoir les néonazis à l’étranger
Le rôle des néo-nazis et d’autres personnalités de droite dans l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe a aussi été important.
En 2014, Aleksandr Matyushin de « Russkii Obraz » a aidé à terroriser les partisans de l’État ukrainien à Donetsk à la veille de la guerre par procuration de la Russie dans l’est de l’Ukraine. Il est ensuite devenu un des principaux commandants sur le terrain.
Aujourd’hui, Dmitrii Steshin de « Russkii Obraz », un célèbre correspondant de guerre d’un tabloïd à grand tirage, diffuse des mensonges accusant les forces ukrainiennes d’atrocités qui ont été commises par les forces russes.
L’appui du Kremlin aux néonazis nationaux va de pair avec la promotion des néonazis en Occident. Certains ont diffusé les théories du complot anti-occidentales en tant qu’« experts » sur RT, la chaîne de propagande câblée du Kremlin. D’autres ont servi le Kremlin en tant que « conseillers » qui approuvaient la conduite d’élections frauduleuses. Pendant ce temps, Rinaldo Nazzaro, un Américain, dirigeait discrètement The Base, l’organisation terroriste néo-nazie internationale, depuis un appartement à Saint-Pétersbourg.
La militarisation des néo-nazis par Poutine a toujours été une stratégie risquée, mais elle n’était pas irrationnelle. Contrairement aux nationalistes traditionnels, qui ont tendance à soutenir l’idée d’élections libres, les néonazis rejettent les institutions démocratiques et l’idée même d’égalité humaine. Pour un dictateur démantelant la démocratie et construisant un régime autoritaire, ils étaient des complices idéaux.
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Tout cela est bel et bon, le style est avenant chronologique et abondant certes, ;mais il n’en reste pas moins que ce ne sont pas les Russes qui avancent peu à peu vers l’ouest ou qui attaquent et massacrent depuis 1945 (par millions) dans le Tiers-monde : Corée, Viet-Nam, Serbie et monde arabe, mais bien les Otaniens (Américains en tête) qui avancent et grignotent vers l’est européen, avec l’entêtement qu’on leur connaît, des pays , d’abord indépendants (Pologne, Tchécoslovaquie etc...) et ensuite des pays dont les liens avec la Russie sont historiques (Pays baltes et enfin Ukraine) . Les Russes ont bien fait de signifier aux Américains que la comédie avait assez duré en Europe comme ils l’avaient auparavant fait en Syrie.
Je voudrais bien avoir un article dans le même genre sur le régime ukrainien d’avant Volodymyr Zelensky soit Viktor Ianoukovitch qui est en procès. Les ukrainiens ne sont pas si gentils que ça. Ils ont la réputation d’avoir fourni les rangs du KGB et les bordels de toute l’Europe.